Il y a trois mois jour pour jour, j’ai passé l’après-midi avec une amie, en me demandant encore quand allait-elle arriver ? J’étais impatiente, dès que mon neuvième mois a commencé, je n’attendais que ça, cette rencontre avec mon bébé. Ne me demandez pas pourquoi, depuis le début, je m’imaginais devoir partir à la maternité en pleine nuit. Il y a trois mois jour pour jour, en fin de journée, je suis allée faire ma marche quotidienne avec ma maman comme souvent. Le soir, à la maison, je plaisantais, comme souvent durant ce neuvième mois, en disant que c’était pour maintenant car j’avais des contractions.
Et puis, à 22h30, je me suis dit que c’était vraiment différent. On a attendu un peu et, à 1h du matin, je me suis décidée à appeler la maternité, ayant des contractions toutes les deux minutes depuis plus d’une heure. Vu mon projet de naissance, il fallait que je vienne quand les contractions deviendraient insoutenables. Ben est allé dormir un peu, le chanceux !
J’avoue l’avoir jalousé à cet instant précis. La nuit battait son plein, mais la pleine lune d’automne illuminait l’appartement. Tsukimi. Je souris une seconde sur mon ballon dans mon salon en y repensant, puis je suis vite rattrapée par les contractions. Je visualise mon lieu ressource, je me berce des paroles de ma doula adorée. Les heures passent, un bain, puis deux. Je retourne sur mon ballon, Ben dort.
Je pleure, je lutte, j’ai mal, je veux attendre le plus possible car j’avais pour projet d’accoucher sans péridurale. Et à 5h du matin, je vais réveiller Ben, je n’en peux plus. Il faut partir. On prend la valise, j’enfile mon legging léopard et mon plus large t-shirt. Ben met la playlist du grand jour, celle qu’il a concoctée pour nous avec amour. Il y a cette chanson qui passe, Kamisama Hajimemashita d’une chanteuse japonaise qui s’appelle Hanae, ça me fait sourire, puis Pomme et sa reprise du voyage de Chihiro, qu’il est drôle que ces deux musiques passent maintenant alors que la playlist fait des kilomètres de long ! Ça me donne de la force.
On arrive à la maternité, on est garés juste devant, j’ai l’impression d’attendre des heures dans la salle des urgences, mais en réalité je crois que l’on a été pris en charge assez vite. Il est environ 5h45 du matin. Je vais aux toilettes, je saigne, je panique. On vient me chercher, puis monitoring.
J’ai mal, j’ai peur qu’on me dise que je ne suis qu’au début du travail. Et le verdict tombe, j’ai des contractions très nombreuses mais pas « efficaces », je ne suis ouverte qu’à 1 cm. Tout mon monde s’effondre, il est 7h, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je reconsidère tout mon projet de naissance, j’ai trop mal, je me trouve idiote d’avoir songé une seconde que je pouvais le faire. J’avais l’impression qu’au vu de mes douleurs d’endométriose et de leur intensité depuis 4 ans, je pouvais aller au-delà de ça, mais voilà des mois que je n’ai pas eu mal, je me dis que c’est impossible.
Quoi qu’il en soit, il me faudra attendre d’être à 5 cm pour avoir la péridurale. Spoiler: nous n’y sommes pas du tout. On me propose un bain, sur le papier ça me fait rêver. La vérité, c’est que ce bain m’a mise plus mal qu’autre chose.
À 8h, je demande à sortir, j’envoie Ben chercher quelqu’un, et la douche froide… je n’y avais pas pensé, mais quand la sage-femme qui nous avait accueillis nous annonce que le changement équipe de nuit / équipe de jour va se faire, j’ai une boule au ventre que je ne saurais expliquer. Dans l’heure qui suit, on vient me poser mon cathéter, c’était ma phobie, les aiguilles, mais à côté de la douleur, ma peur est partie. J’ai mon peigne dans les mains j’essaye de gérer, j’ai si mal.
À 9h, ma nouvelle sage-femme vient se présenter, elle s’appelle Lou, elle a un masque et je ne vois pas son visage en entier. Elle m’a l’air jeune, plus que moi, elle a l’air si douce. Elle me rassure beaucoup. Moi qui ne voulais au début pas qu’on me dise si mon col s’ouvre, je n’attends que ça. 3cm … et dans ma tête, je panique. Ben est blanc à côté de moi de me voir si mal, elle s’en va. Il faut attendre – encore – et là, pendant l’heure qui suit, j’ai cru mourir.
Je pleure, je ne cesse de me traiter de conne, littéralement, d’avoir songé une seconde que je pouvais faire les choses sans péridurale. Je dis que je veux que tout s’arrête, que je ne peux plus. Qu’on annule tout !
À 10h, c’est trop, Ben appelle notre sage-femme, je suis à 5, j’attends qu’on me propose de me soulager, mais personne ne me le demande. Je finis par demander la péridurale de moi-même, on questionne Ben en lui demandant si on avait évoqué cette possibilité. Oui – et si je la demande, c’est que j’en avais besoin. Je n’étais pas fixée sur mon projet de naissance, dès le début je m’étais dit que tout pouvait bouger. Fort heureusement, je n’ai pas vécu ça comme une défaite.
Et là, un éclat dans mes yeux quand on nous demande de prendre nos affaires pour aller en salle de naissance. Ça y est, mon bébé, je me rapproche de toi.
À 10h45, je ne vais pas dire que la pose de cette péridurale était agréable, mais finalement elle m’a fait tant de bien que je tends à oublier cette douleur. À 1th15, je demande à Ben mon téléphone et là, un éclat de joie dans ses yeux: « Si tu me demandes ton téléphone, c’est que tu vas mieux. »
À 11h30, « plop», comme dans les films la poche des eaux se rompt. Je sens les contractions, mais je n’ai plus de douleur.
On attend, que bébé s’engage, on a l’impression que c’est long mais finalement, avec le recul, tout est allé si vite. J’appuie sur mon bouton magique quand les douleurs reviennent, mais je sens toujours tout. Aux alentours de 13h45, tout le monde s’est installé pour la « poussée » qui a été longue et éprouvante, mais pas douloureuse. Jusqu’ici j’avais mon peigne dans la main, je sers, encore et encore, il me rassure.
Ben est à mes côtés, il m’encourage, depuis le début il est là, aux petits soins pour moi. C’est dur, intense, il faut que je place mon souffle, la sage femme ne cesse de dire qu’on va y arriver qu’il le faut, ça bip bip de partout, à chaque poussée le coeur de ma bébé ralenti, j’ai peur mais on va y arriver, il le faut car la sage femme ne cesse de dire qu’elle va peut être devoir appeler le medecin.
À 14h39, Hanaé est née, avec une équipe de femmes géniales et son papa. On me l’a directement posée sur moi, le bonheur, l’amour au premier regard. Elle n’a même pas pleuré, ma petite fleurft Et si tout était si long à se lancer malgré la douleur, c’est parce que cette demoiselle avait le cordon autour du cou. Rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé, mais j’ai eu un accouchement très doux et bienveillant.
Et si je partage naïvement tout cela aujourd’hui, c’est simplement pour dire que les choses peuvent bien se passer, être douces, et ce n’est pas une blague. Après l’arrivée de ce tout petit bébé, le mal est oublié.